Le silence des plumes : quand les journalistes haïtiens s’autocensurent pour survivre
En Haïti, la vérité est devenue un luxe dangereux.
Menacés par les gangs, intimidés par les politiciens et étranglés économiquement, les journalistes haïtiens vivent dans la peur. L’autocensure n’est plus un choix, c’est une question de survie.

Publié le 10-Octobre-2025
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En Haïti, la vérité est devenue un luxe dangereux.
Menacés par les gangs, intimidés par les politiciens et étranglés économiquement, les journalistes haïtiens vivent dans la peur. L’autocensure n’est plus un choix, c’est une question de survie.
La peur comme ligne éditoriale
Aujourd’hui, informer peut tuer. Dans plusieurs quartiers de Port-au-Prince, les journalistes n’osent plus sortir leur micro ni leur caméra. Les gangs contrôlent les rues… et les mots. Un reportage trop audacieux, une phrase trop directe, et les menaces pleuvent : appels anonymes, messages inquiétants, filatures. Résultat : on écrit avec prudence, on parle avec retenue, on s’autocensure pour rester en vie.
Les gangs, nouveaux censeurs de la presse haïtienne
Les gangs armés imposent désormais leurs propres règles aux médias. Ils décident ce qui peut être publié, qui peut parler, et surtout qui doit se taire. Certains journalistes ont été enlevés, d’autres battus, d’autres encore ont fui le pays.
Un chef de gang peut faire taire une station entière d’un simple message :
“Si ou pale, ou mouri.”
Cette terreur organisée transforme la presse en champ de bataille invisible.
Quand la peur rencontre la précarité
La liberté de la presse ne se limite pas à la sécurité.
Elle dépend aussi de l’argent. Les médias haïtiens, souvent dépendants de la publicité d’État ou de grandes entreprises proches du pouvoir, hésitent à publier des enquêtes sensibles. Un mot de travers, et les contrats disparaissent.
C’est la double peine : la peur des balles et la peur de la faim.
Une presse sous anesthésie
Les salles de rédaction haïtiennes respirent la peur. Les journalistes pèsent chaque mot, chaque titre, chaque virgule. On parle sans nommer, on dénonce sans accuser, on informe sans déranger.
L’autocensure s’est installée comme une routine. Et le silence est devenu collectif.
Quand le silence devient complice
Chaque vérité étouffée est une victoire pour les puissants, les corrompus et les gangs.
L’autocensure tue lentement la démocratie. Et pourtant, malgré la peur, certains journalistes refusent de se taire. Ils écrivent encore, parfois dans l’ombre, parfois sous pseudonyme, mais toujours avec courage. Ces plumes sont les dernières braises d’une vérité qu’on tente d’éteindre.
Briser le mur du silence
Protéger la presse, c’est protéger la nation. Haïti a besoin d’une presse libre, indépendante et courageuse. Les journalistes ne doivent pas être seuls face aux menaces. Il faut soutenir les médias indépendants, exiger la justice pour les reporters tués, et dénoncer les complicités entre l’État et les gangs.
Le silence des plumes n’est pas un hasard. C’est le produit de la peur, de la misère et de la trahison des institutions. Mais tant qu’un seul journaliste osera parler, la vérité ne sera pas morte.
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Car en Haïti, se taire, c’est déjà perdre.

Maxime Daniel ETIENNE
Journaliste
maximedanieletienne@gmail.com
+509 4133-8168