Port-au-Prince : un professeur assassiné, sa fille meurt de douleur quelques jours plus tard

Une balle a fauché le père, la peine a emporté la fille. À Port-au-Prince, la mort ne se contente plus des corps : elle poursuit les cœurs qui pleurent.

Éducation

Publié le 16-Octobre-2025

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À Port-au-Prince, la mort ne surprend plus personne, mais elle continue d’humilier tout un peuple.
Maurice Dupuy, professeur d’anglais respecté au Lycée National de Pétion-Ville, a été abattu en pleine rue, un matin ordinaire, alors qu’il se rendait à son travail. Quelques jours plus tard, sa fillette de sept ans, Consuélita Emmanuella, est morte à son tour. Pas de balle cette fois juste un cœur trop fragile pour supporter la douleur.

Selon des témoins, tout serait parti d’une simple phrase.
Voyant des hommes armés rançonner les passants à un carrefour de Pétion-Ville, le professeur aurait murmuré :

« Yon jou sa gen l pou fini. »
(« Un jour, ça devra finir. »)
Une parole d’espoir, devenue condamnation. Quelques secondes plus tard, il était à terre, frappé à mort pour avoir parlé trop haut dans un pays où le silence est devenu une stratégie de survie.


À la maison, la tragédie a brisé l’enfance. Consuélita n’a plus voulu manger, ni parler, ni jouer. Son corps s’est éteint comme s’éteint une bougie dans le vent. Les médecins ont évoqué une douleur abdominale ; la famille, elle, parle d’un chagrin insoutenable. Comment vivre à sept ans quand tout ce qu’on aimait s’effondre ?

Dans le quartier de Fontamara, la tristesse se mêle à la résignation. Les voisins pleurent, mais sans surprise. Ici, les morts se succèdent comme les jours : enseignants, chauffeurs, étudiants, marchandes tous vulnérables, tous livrés à la même fatalité. Pendant ce temps, l’État regarde ailleurs. Les institutions s’effondrent, les promesses s’évanouissent, et les bourreaux paradent en plein jour, sûrs de leur impunité.

Mais combien de Dupuy faudra-t-il encore ? Combien d’enfants comme Consuélita devront mourir avant qu’Haïti ne se réveille de ce coma moral ?

Car ce qui tue aujourd’hui, ce ne sont pas seulement les balles.
C’est le silence.
C’est l’habitude.
C’est cette acceptation lente et lâche de l’inacceptable.

Le deuil de la famille Dupuy devrait être celui de toute une nation.
Mais peut-être qu’Haïti, elle aussi, est en train de mourir — à force de ne plus pleurer.

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Maxime Daniel ETIENNE

Journaliste

maximedanieletienne@gmail.com

+509 4133-8168


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