Haïti : Informer ou mourir quand le silence devient une arme
En ce 2 novembre, Journée internationale contre l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes, Haïti pleure ses voix assassinées. Dans un pays où l’information dérange, le journalisme est devenu un champ de bataille, et la vérité, un risque mortel.
Publié le 03-Novembre-2025
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Une profession sous le feu
Depuis quelques années, le paysage médiatique haïtien s’assombrit. Des noms résonnent comme des cicatrices : Diego Charles, Antoinette Duclair, Romelson Vilcin, Amady John Wesley, Wilguens Louissaint. Tous ont été tués dans l’exercice de leur métier. Leurs micros se sont tus, mais leur engagement continue de hanter une nation qui s’enlise dans l’impunité.
Les journalistes haïtiens ne sont plus seulement des témoins : ils sont devenus des cibles. Les gangs armés, les politiciens corrompus et les puissants du jour ont compris qu’il suffit de faire taire la presse pour régner sans contradiction.
Une impunité d’État
Dans la majorité des cas, aucune enquête n’aboutit. Les dossiers stagnent, les témoins disparaissent, les familles n’obtiennent ni justice ni vérité. En Haïti, l’impunité n’est pas une anomalie : c’est une stratégie politique. Le système judiciaire, paralysé ou infiltré, ne protège plus les journalistes il protège leurs bourreaux.
Cette impunité alimente la peur. Des reporters se réfugient à l’étranger, d’autres s’autocensurent. Dans les rédactions, on évite certains sujets, on supprime des phrases, on change des titres pour ne pas froisser un chef de gang, un politicien ou un annonceur.
L’autocensure s’installe lentement, sournoisement comme un poison qui étouffe la liberté avant même la censure officielle. Dans certaines zones contrôlées par les gangs, le silence est devenu une condition de survie.
Précarité et manipulation
À ces menaces physiques s’ajoute une autre forme de violence : la pauvreté structurelle du métier. Beaucoup de journalistes travaillent sans salaire fixe, sans sécurité, parfois avec un simple téléphone comme outil. Cette précarité rend les médias vulnérables aux influences politiques et financières, transformant certains en instruments de propagande au lieu de gardiens de la vérité.
Haïti, lanterne rouge de la liberté de la presse
Selon Reporters sans frontières (RSF), Haïti se classe parmi les pires pays des Amériques en matière de liberté de la presse. Les menaces, arrestations arbitraires et attaques contre les médias indépendants se multiplient. Le pays, jadis fier de ses journalistes courageux, glisse dangereusement vers un régime du silence, où informer devient un crime et se taire, un réflexe de survie.
Des voix qui refusent de se taire
Malgré la peur, la précarité et l’autocensure, une génération de journalistes continue de se battre.Des jeunes reporters, blogueurs et correspondants communautaires maintiennent vivante la flamme du journalisme haïtien. Ils documentent, dénoncent, témoignent.
Leur arme, c’est la parole. Leur bouclier, la vérité.
« En Haïti, écrire est devenu un acte de foi. Chaque mot publié est une balle tirée contre l’impunité. »
Appel à la conscience
En ce 2 novembre, la communauté internationale doit regarder Haïti en face. Le silence face aux crimes contre les journalistes est une trahison de la démocratie. Et chaque fois qu’un journaliste est tué ou se tait par peur, c’est tout un peuple qu’on condamne à l’aveuglement.
Maxime Daniel ETIENNE
Journaliste
maximedanieletienne@gmail.com
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