Quand un ex-directeur du CNE abat un ouvrier et tente d’acheter le silence
Un maçon tué pour un téléphone.
Un ex-directeur libre, encore invisible.
Et un pays qui, décidément, construit plus de tombes que de justice.
Publié le 05-Novembre-2025
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Un ouvrier maçon, Jean Marie Sidor, est mort d’une balle tirée par celui qu’on présente comme un ancien “grand commis de l’État” : Yves Germain, ex-directeur du Centre National des Équipements (CNE). Un crime de plus, dans un pays où la balle des puissants ne rate jamais les sans-grade, et où la justice prend toujours son temps surtout quand l’accusé a du réseau.
Selon des témoins directs, la dispute aurait éclaté sur un chantier appartenant à l’ex-fonctionnaire. Le motif ? Un téléphone utilisé pendant le travail. Oui, un téléphone. Le ton monte, la dignité s’effrite, et l’homme de pouvoir, déjà connu pour ses accès de violence, aurait dégainé avant de réfléchir. Jean Marie Sidor s’effondre, mortellement blessé. Transporté à l’hôpital Bon-Sauveur de Cange, il n’aura pas survécu à la colère d’un homme habitué à donner des ordres, non à en recevoir.
Mais le plus révoltant n’est pas seulement le meurtre. C’est l’après. Car, à peine le corps refroidi, les tentatives d’achat du silence ont commencé : quelques billets pour “aider à acheter le cercueil”, dit la mère. Une enveloppe pour “éviter les complications judiciaires”. La vieille méthode haïtienne : transformer le deuil en transaction, et la justice en souvenir embarrassant.
Le juge de paix Edmond Prospère a bien dressé un constat. Mais depuis, silence radio. Pas un mot des autorités, pas une note du parquet, pas même un communiqué de la PNH. Quand le tireur est un ex-directeur du CNE, le pays tout entier semble hésiter à respirer trop fort, de peur de déranger.
Pourtant, Yves Germain n’en est pas à son premier coup d’éclat. En 2024 déjà, une vidéo devenue virale le montrait en train de rouer de coups un employé preuve, s’il en fallait, que la violence est pour lui une forme de langage. À l’époque, aucune sanction. Aujourd’hui, un mort. Toujours le même scénario : impunité en guise de promotion.
À Boucan-Carré, la population est indignée. Elle réclame justice. Mais justice en Haïti rime souvent avec silence bien payé. Les familles modestes pleurent, les puissants négocient, et le système fidèle à lui-même s’incline encore devant ses enfants gâtés.
Un maçon tué pour un téléphone.
Un ex-directeur libre, encore invisible.
Et un pays qui, décidément, construit plus de tombes que de justice.
Maxime Daniel ETIENNE
Journaliste
maximedanieletienne@gmail.com
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