Cantines policières : quand la corruption s’invite dans les assiettes de la PNH

La cantine policière est devenue le symbole d’un État malade : un État qui nourrit la corruption pendant qu’il empoisonne ses gardiens.

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Publié le 07-Novembre-2025

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Les repas destinés aux policiers haïtiens se transforment, jour après jour, en un véritable poison institutionnel. Dans plusieurs unités de la Police nationale d’Haïti (PNH), des agents en uniforme doivent avaler, avec résignation, des plats douteux qui provoquent maux d’estomac, diarrhées et désespoir. Certains prennent du Lopéramide avant de manger, comme pour se prémunir contre la négligence de l’État. Derrière cette tragédie silencieuse, un système de corruption et de favoritisme s’est bâti sur le dos de ceux qui protègent la nation.

Des repas indignes, une humiliation quotidienne
Les témoignages recueillis par AyiboPost révèlent des scènes surréalistes : riz mal cuit, poulet importé insipide, boissons sucrées servies jusqu’à la nausée. Aucun équilibre nutritionnel, aucune supervision sanitaire. Les policiers diabétiques ou souffrant de maladies chroniques se retrouvent face à des menus incompatibles avec leur état. Beaucoup refusent désormais de manger, préférant supporter la faim que d’avaler la médiocrité organisée.

Un appel d’offres sous haute suspicion
En juillet 2024, le gouvernement avait lancé un appel d’offres pour garantir la transparence dans la gestion des cantines policières. Sur le papier, tout semblait noble : onze entreprises sélectionnées, un contrat de près de quatre milliards de gourdes. Mais à la lumière des enquêtes menées par une commission indépendante composée de juristes, d’avocats et de membres de la société civile , le ver était déjà dans le fruit.
Huit des onze lots présentent des irrégularités flagrantes : entreprises fantômes, adresses fictives, documents postdatés, signatures douteuses. Des sociétés comme Food & Cook, Au Plaisir des Saveurs, Spirale Gourmande ou Club Gourmet n’existent tout simplement pas aux adresses indiquées. Un réseau de sociétés fictives s’est tissé dans l’ombre pour capter les fonds publics.

Un réseau bien huilé de collusion
Le rapport révèle une mécanique bien orchestrée : des procurations bancaires identiques, des attestations délivrées le même jour, des numéros de dossier consécutifs. Les sociétés Fushia et Decorati, par exemple, apparaissent comme deux têtes d’une même hydre, partageant documents, représentants et bénéficiaires. Tout indique une collusion méthodique entre les prétendus prestataires une connivence qui a transformé un projet de service public en festin pour initiés.


Des milliards détournés, des policiers trahis
Pendant que des milliards de gourdes disparaissent dans les interstices de la corruption, les policiers continuent de servir sous le soleil et la peur, le ventre vide ou malade. Ces repas indignes ne sont pas seulement une faute administrative : ils constituent une atteinte à la dignité humaine.
Dans un pays où la sécurité vacille, comment espérer un engagement sincère de ceux qu’on affame ?
La cantine policière est devenue le symbole d’un État malade : un État qui nourrit la corruption pendant qu’il empoisonne ses gardiens.

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Maxime Daniel ETIENNE

Journaliste

maximedanieletienne@gmail.com

+509 4133-8168


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