Affaire Jovenel Moïse : la cour d’appel de Port-au-Prince relance l’instruction
Le président Jovenel Moïse avait été abattu dans la nuit du 7 juillet 2021 à sa résidence de Pèlerin 5, dans des circonstances encore floues.
Publié le 08-Novembre-2025
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Quatre ans après l’assassinat du président Jovenel Moïse, la cour d’appel de Port-au-Prince a ordonné un supplément d’enquête, jugeant que l’instruction menée jusque-là ne permettait pas d’établir la vérité dans toute sa complexité.
Cette décision, rendue après plusieurs semaines d’audiences, annule l’ordonnance du juge instructeur Walter W. Voltaire, datée du 25 janvier 2024. Les magistrats ont estimé que plusieurs aspects essentiels de l’enquête restaient à explorer.
« Cette décision montre que la vérité est encore loin d’être établie », confie une source judiciaire proche du dossier. « Le travail du juge d’instruction devra désormais répondre à toutes les questions laissées en suspens depuis quatre ans. »
Une enquête à compléter sur les aspects financiers et techniques
La cour demande que soient réunis tous les éléments susceptibles de clarifier le rôle de chacun des inculpés, à charge comme à décharge.
Le nouveau volet de l’instruction vise notamment à :
Retracer les flux financiers ayant servi à préparer l’opération, identifier les numéros de téléphone utilisés par les suspects et obtenir leurs relevés d’appels entre avril et août 2021, et faire appel à des experts indépendants chargés d’analyser les données techniques recueillies.
Selon la décision, l’objectif est de mener « tous les actes d’instruction nécessaires à la manifestation de la vérité ».
Maintien en détention et poursuite des fugitifs
Les juges ont également ordonné le maintien en détention des inculpés déjà emprisonnés, rejetant les demandes de libération de Marky Kessa, Joseph Félix Badio et des 17 Colombiens poursuivis dans cette affaire. La cour a en outre exigé que les inculpés en cavale soient activement recherchés et incarcérés dans les prisons du lieu de leur arrestation. Pour conduire cette nouvelle phase, le magistrat Cyprien Jn F. Denis Pierre, membre de la cour d’appel, a été désigné juge instructeur.
Des appels partiellement recevables
Sur le plan procédural, la cour a déclaré irrecevable l’appel de Joverlein Moïse, fils du président assassiné, en raison du non-paiement de l’amende d’appel. Celui de Léon Charles, ancien directeur général de la Police nationale d’Haïti, a également été rejeté pour vice de forme. En revanche, la juridiction a reconnu recevables les recours déposés par plusieurs personnalités, dont Martine Moïse, Claude Joseph, Louis Edner Gonzague Day, Renald Lubérice, Ardouin Zéphirin, ainsi que les 17 ressortissants colombiens.
Une décision attendue dans un dossier emblématique
Rendue le 13 octobre 2025, sous la présidence du juge Emmanuel Lacroix, assisté de Phémond Damicy et Cyprien Jn F. Denis Pierre, la décision a été prononcée en présence des commissaires du gouvernement Claude Jean et Rocky Pierre. Pour plusieurs observateurs, cette relance de l’enquête traduit la volonté de rompre avec les lenteurs et les zones d’ombre qui entourent le dossier depuis 2021.
« Le pays attend des résultats concrets. L’assassinat d’un président ne peut pas rester sans justice », déclare un avocat au barreau de Port-au-Prince, qui suit le dossier de près.
Un dossier à la portée politique majeure
Le président Jovenel Moïse avait été abattu dans la nuit du 7 juillet 2021 à sa résidence de Pèlerin 5, dans des circonstances encore floues. Ce meurtre, d’une violence inédite, a plongé Haïti dans une crise politique, institutionnelle et sécuritaire profonde, accentuée par la multiplication des groupes armés et la paralysie de la justice. Depuis, plusieurs enquêtes parallèles ont été ouvertes, notamment aux États-Unis, où certains suspects sont poursuivis pour conspiration et financement du complot.
Vers une possible reprise du procès en Haïti
La décision de la cour d’appel rouvre la porte à une reprise complète de l’instruction, sous la supervision du nouveau juge désigné. Reste à savoir si ce supplément d’enquête permettra enfin de lever le voile sur les commanditaires de l’attentat et de répondre à la question que tout le pays se pose : qui a tué Jovenel Moïse, et pourquoi ?
Maxime Daniel ETIENNE
Journaliste
maximedanieletienne@gmail.com
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