
Publié le 23-Mar-2025
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Femmes haïtiennes: une chance d'intégration, mais où sont-elles? Briser les barrières invisibles.
Si nous voulons voir plus de femmes en politique, en gouvernance et en prise de décision, il ne suffit pas de leur donner des postes symboliques ou d'imposer des quotas. Il faut aller à la racine du problème : l'éducation dès l'enfance.
Où sont les femmes en politique et en gouvernance en Haïti ? Cette question, bien que simple en apparence, révèle une réalité complexe et profondément enracinée dans la culture et l’histoire du pays. L’État haïtien proclame son engagement en faveur de l’implication des femmes dans la vie publique, mais sur le terrain, le constat est amer : leur présence demeure faible, leur engagement limité et leurs ambitions souvent étouffées dès le plus jeune âge.
Dès leur plus jeune âge, les filles en Haïti sont orientées vers des filières considérées comme plus « adaptées » à leur statut de femme. Alors que leurs frères sont encouragés à poursuivre des études en sciences politiques, en droit, en économie ou en ingénierie, elles sont souvent orientées vers l’hôtellerie, le secrétariat ou l’assistance administrative. Ce choix n’est pas anodin ; il reflète une construction sociale qui repose sur des siècles de patriarcat, où la femme est perçue comme une assistante et non comme une décisionnaire.
Ce conditionnement ne commence pas à l’université ni même au lycée. Il débute au sein même du foyer, avec des mères qui, souvent inconsciemment, inculquent à leurs filles l’idée qu’elles doivent se contenter d’un rôle de soutien. « Un garçon doit réussir pour porter la famille », entend-on souvent. Mais qui a dit qu’une fille ne peut pas, elle aussi, porter et transformer cette même famille ???
Que dire de l'éducation qui perpétue l’infériorisation des femmes?
L’éducation des filles en Haïti est souvent réduite à des formations courtes, des cursus professionnels dits « féminins », tandis que l’accès aux sciences et aux grandes écoles leur est limité par des biais culturels et économiques. Pourtant, ce n’est pas le manque de compétence ou d’intelligence qui freine leur ascension, mais bien un cadre social qui ne leur donne pas les mêmes opportunités que leurs homologues masculins.
Prenons l’exemple des femmes qui excellent dans leurs études secondaires. Beaucoup, malgré leur potentiel, finissent par intégrer des formations techniques considérées comme « pratiques » pour une femme, au lieu de se diriger vers des domaines stratégiques comme l’économie, la politique ou la gestion publique. Ce choix est souvent dicté par une pression familiale et sociale qui les pousse vers des rôles de soutien, et non de leadership.
Et si on formait des futures gouverneures dès l’enfance...
Si nous voulons voir plus de femmes en politique, en gouvernance et en prise de décision, il ne suffit pas de leur donner des postes symboliques ou d’imposer des quotas. Il faut aller à la racine du problème : l’éducation dès l’enfance.
Une fille qui grandit en sachant qu’elle peut devenir présidente, ministre ou dirigeante d’une entreprise aura plus de chances d’oser briser les barrières. Il faut encourager les familles à valoriser les ambitions des filles, à leur apprendre dès leur plus jeune âge qu’elles ne sont pas limitées à des rôles secondaires.
Les écoles, les institutions publiques et les ONG doivent aussi jouer un rôle clé en proposant des programmes spécifiques pour encourager les jeunes filles à s’engager dans des domaines stratégiques. Il ne s’agit pas seulement d’offrir des bourses, mais de transformer la mentalité collective qui perpétue l’idée que certaines carrières ne sont pas « faites » pour les femmes.
Pourquoi ne pas briser le cercle vicieux de la sous-représentation?
Une femme qui n’a pas de modèles féminins en politique ou en économie aura du mal à s’imaginer dans ces rôles. C’est pourquoi la représentation est essentielle. Les femmes haïtiennes doivent voir d’autres femmes occuper des postes de pouvoir, prendre des décisions et influencer les politiques publiques. Il est impératif de mettre en avant celles qui réussissent, de raconter leurs parcours et de les rendre accessibles aux nouvelles générations.
Les médias, les institutions éducatives et les associations féministes doivent multiplier les initiatives pour exposer les jeunes filles à des figures inspirantes, des femmes haïtiennes qui ont défié les normes et qui ont réussi à s’imposer dans des secteurs dominés par les hommes.
Il est temps de sortir du discours de façade sur l’égalité des sexes et d’entrer dans une véritable action transformatrice. La question n’est pas seulement de savoir si les femmes veulent s’impliquer, mais plutôt pourquoi elles ne se sentent pas légitimes de le faire.
Si nous voulons une génération de femmes leaders, il faut leur donner les moyens de se projeter dès l’enfance dans ces rôles. La révolution commence dans les foyers, dans les écoles, dans les représentations culturelles et dans les politiques publiques. Ce n’est qu’en déconstruisant les barrières invisibles que nous verrons émerger une Haïti où les femmes ne seront plus seulement spectatrices du changement, mais bien les actrices principales de leur propre destinée.

Carla PAULINICE
Juriste et Administratrice de profession | Mastérante en Sciences Politiques et Relations Internationales.
carlapaulinice3@gmail.com
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