Haïti : Quand l’État s’efface, les représailles des gangs s’abattent sur la population

Ce qui rend la situation encore plus frustrante, ce n’est pas seulement l’absence de réaction immédiate de l’État haïtien, mais également l’indifférence de la communauté internationale.

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Publié le 20-Novembre-2025

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Les représailles des gangs contre la population s’intensifient. Dans plusieurs quartiers du pays, la peur règne comme une seconde peau. Les attaques, les incursions armées, et les déplacements forcés se multiplient dans un silence glaçant loin des projecteurs, loin des rapports du BINUH et des organisations de défense des droits humains, souvent publiés après la tragédie, jamais avant pour la prévenir.

Sur le terrain, les habitants vivent une réalité brutale : l’État semble absent, la police peine à maintenir une pression constante, et les groupes armés profitent du moindre relâchement pour réaffirmer leur domination.

Les promesses d’offensive : un élan vite brisé
Il y a seulement quelques semaines, le directeur Paraison affirmait que la Police nationale était « en mode offensif ». Ce message avait suscité un léger souffle d’espoir. La population croyait, pour un moment, que quelque chose changeait, que l’appareil sécuritaire retrouvait sa détermination.

Mais la réalité du terrain raconte autre chose. Dès que l’intensité policière faiblit par manque de ressources, de personnels, ou par l’épuisement naturel des forces en première ligne les gangs reprennent immédiatement l’avantage. Leur capacité à exploiter le vide sécuritaire est implacable. La moindre hésitation devient une fenêtre ouverte sur de nouvelles représailles. Et c’est toujours la population civile qui en paie le prix.

« Nous avons peur de sortir, même pour aller chercher de l’eau ou des médicaments. Chaque jour est un risque de mort », confie un habitant de Cité Champion, quartier durement touché par les violences récentes.


Une police essoufflée, un État absent, une population livrée à elle-même
Les maisons abandonnées, les familles déplacées, les quartiers désertés ne sont pas de simples “faits divers” : ce sont les conséquences directes de l’incapacité de l’État à protéger ses citoyens. Selon des sources locales, plus de 15 000 personnes ont été déplacées dans le nord du pays au cours des trois derniers mois.

Pourtant, des voix s’élèvent depuis des mois pour signaler les risques de représailles, les mouvements suspects, les signes annonciateurs. Mais les interventions restent sporadiques. Une opération aujourd’hui, un retrait demain, et le cycle de la violence reprend.

Quand le silence international renforce l’impunité
Ce qui rend la situation encore plus frustrante, ce n’est pas seulement l’absence de réaction immédiate de l’État haïtien, mais également l’indifférence de la communauté internationale. Les massacres se succèdent sans déclencher la moindre mobilisation urgente. Les rapports du BINUH et d’ONG arrivent toujours après coup, parfois plusieurs semaines plus tard, incapables de stopper l’hémorragie ni de provoquer une réaction concrète.

Pendant ce temps, les gangs avancent, imposent leur loi, et élargissent leur influence.

Haïti ne peut plus se permettre cette inertie
Laisser la situation évoluer ainsi, c’est accepter que des zones entières du pays deviennent administrées par la peur. C’est admettre que la démocratie, la justice et l’État de droit soient remplacés par la violence organisée.

Pourtant, rien n’est inévitable. Une stratégie claire, des opérations constantes, des moyens renforcés, un soutien international réel et cohérent pourraient inverser la tendance. Le pays l’a déjà démontré : lorsque la police agit avec intensité et coordination, les gangs reculent.

Plus de temps à perdre
Haïti n’a plus besoin de rapports tardifs, de communiqués prudents ou de condamnations tièdes. Le pays a besoin d’action, maintenant. Il a besoin d’un État présent, d’une police soutenue, d’institutions opérationnelles, et d’une communauté internationale cohérente.

Tant que ces conditions ne seront pas réunies, chaque faiblesse de l’appareil sécuritaire exposera la population à de nouvelles représailles sanglantes et les gangs continueront à dicter leur loi. Si l’État continue de regarder ailleurs, d’autres quartiers tomberont, et Haïti perdra plus qu’un territoire : elle perdra son peuple.

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Maxime Daniel ETIENNE

Journaliste

maximedanieletienne@gmail.com

+509 4133-8168


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