Élections 2025-2026 : l’Observatoire International pour la Démocratie et la Gouvernance alerte sur un processus électoral à haut risque
Dans un pays encore fragilisé par l’insécurité, la fragmentation institutionnelle et une crise de confiance généralisée, les mises en garde de l’OIDG résonnent comme un avertissement clair : si rien n’est corrigé, la crédibilité du scrutin pourrait être profondément compromise.
Publié le 25-Novembre-2025
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Port-au-Prince, 24 novembre 2025 — À quelques mois de l’ouverture du calendrier électoral en Haïti, l’Observatoire International pour la Démocratie et la Gouvernance (OIDG) tire la sonnette d’alarme. Dans un communiqué publié ce 24 novembre, l’institution exprime sa « vive préoccupation » face aux incohérences juridiques, aux défis logistiques et au manque de transparence entourant les élections prévues pour la période 2025-2026. Dans un pays encore fragilisé par l’insécurité, la fragmentation institutionnelle et une crise de confiance généralisée, les mises en garde de l’OIDG résonnent comme un avertissement clair : si rien n’est corrigé, la crédibilité du scrutin pourrait être profondément compromise.
Selon l’OIDG, l’analyse croisée du projet de décret électoral, du calendrier officiel et de la dernière communication du Conseil Électoral Provisoire (CEP) laisse transparaître des incohérences majeures. L’une des plus inquiétantes concerne le respect des délais légaux pour la finalisation de la liste électorale.
Le calendrier électoral prévoit:
• La clôture des inscriptions des électeurs au 29 juin 2026,
• Et la publication des listes électorales au 31 juillet 2026.
Or, l’article 58 du projet de décret exige :
• Un délai de 60 jours pour figer la liste électorale,
• et 30 jours d’affichage public.
Cette contradiction n’est pas anodine. Elle pourrait créer un vide juridique susceptible d’alimenter les contestations, voire de remettre en cause la validité des résultats. Dans un pays où chaque échéance électorale se transforme en crise politique, ce type d’erreur technique peut devenir inflammatoire.
Au-delà des questions juridiques, l’OIDG pointe un obstacle encore plus pressant : la situation sécuritaire catastrophique du pays. Depuis 2021, Haïti fait face à une montée sans précédent des violences armées. Les gangs contrôlent de vastes portions de Port-au-Prince, mais aussi des axes stratégiques dans l’Artibonite, le Centre et le Nord. Les enlèvements, les barrages, les affrontements entre groupes armés et les déplacements massifs de population perturbent profondément le fonctionnement des institutions publiques.
Dans ce contexte, l’Observatoire estime que les opérations électorales mise à jour des centres de vote, distribution du matériel sensible, formation et déploiement du personnel sont « difficilement réalisables » dans les délais imposés. Certains quartiers historiques de vote, comme Cité Soleil, Bel-Air, Martissant, La Saline, ou encore des zones rurales de l’Artibonite, sont aujourd’hui totalement inaccessibles.
Sans un plan sécuritaire solide, les élections risquent d’être marquées par des perturbations massives, une faible participation et un risque accru de manipulation.
L’un des points les plus préoccupants relevés par l’OIDG concerne l’absence totale de dispositions pour la participation de la diaspora. Pourtant, le projet de décret électoral reconnaît explicitement le droit de vote des Haïtiennes et Haïtiens vivant à l’étranger, notamment pour la présidentielle.
Cette omission est d’autant plus grave que la diaspora représente :
• Plus de 3,5 millions de personnes,
• Une part essentielle du financement du pays via les transferts,
• Un acteur civique majeur depuis plusieurs décennies.
Ignorer cette composante démographique pourrait entacher la légitimité du scrutin, surtout dans un contexte où les Haïtiens de l’extérieur réclament depuis longtemps une représentation politique directe.
L’OIDG attire également l’attention sur un élément technique crucial : la transmission électronique des résultats. Si cette méthode peut améliorer la rapidité et la transparence, elle ne peut en aucun cas remplacer les dispositions obligatoires prévues par l’article 266 du décret électoral, lesquelles détaillent les conditions strictes de publication des résultats officiels. En clair, même si les tablettes électroniques sont utilisées pour transmettre les procès-verbaux, les obligations légales de vérification, consolidation et publication doivent être scrupuleusement respectées. Dans un pays marqué par des suspicions chroniques de manipulation, toute faille réelle ou perçue peut entraîner une crise politique majeure.
Le communiqué de l’OIDG intervient dans un contexte où la confiance envers les institutions électorales est au plus bas. Depuis plus d’une décennie, les scrutins se succèdent sans jamais apaiser les tensions politiques. Les crises post-électorales de 2010, 2015, 2017 et 2020 ont contribué à un sentiment profond de méfiance.
À cela s’ajoute l’effondrement institutionnel :
• absence d’un Parlement fonctionnel,
• instabilité chronique de l’exécutif,
• fragmentation administrative,
• rivalités entre acteurs politiques et sociaux.
L’élection de 2025-2026, qui vise à remettre le pays sur les rails démocratiques, est donc cruciale. Toute erreur technique ou organisationnelle risque de relancer un cycle d’instabilité.
L’appel pressant de l’OIDG
Face à ces constats, l’OIDG appelle les autorités à une révision urgente du calendrier électoral, afin de :
• respecter les exigences légales,
• tenir compte des réalités sécuritaires,
• intégrer pleinement la diaspora,
• garantir un processus transparent et crédible,
• encadrer clairement l’utilisation des outils technologiques.
L’objectif est simple : éviter une nouvelle crise électorale dans un pays déjà au bord du précipice.
L’Observatoire conclut en rappelant un principe fondamental : aucune élection n’est possible sans sécurité, sans légalité et sans transparence. Le scrutin de 2025-2026 représente un tournant historique. Il pourrait marquer le retour à un ordre institutionnel stable… ou plonger le pays dans une crise encore plus profonde. L’avertissement de l’OIDG doit donc être entendu non comme une critique, mais comme un signal d’urgence nationale.
Paul Markenley AUGUSTIN
Journaliste reporter d'image/ Administrateur
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