L'État, ce fantôme qui compte les morts en jouant avec nos vies

Le grand théâtre de la sécurité : quand le sang devient une statistique et la terreur un communiqué de presse

Politique

Publié le 01-Décembre-2025

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Port-au-Prince - C'est une nuit comme les autres, désormais. Une nuit haïtienne. Sous le ciel de Canaan, les balles tissent leur poésie macabre, pendant que dans les salons climatisés du pouvoir, on parle de "stabilité". Stabilité de quoi ? De la progression méthodique des gangs ? De l'hémorragie constante des innocents ?

Fritz Alphonse Jean, ce Cassandre en costard, ose dire tout haut ce que la rue murmure dans la terreur : l'État est devenu un spectateur élégant, un comptable minutieux qui additionne les morts en sirotant son café. Le budget "guerre" ? Un mirage, une farce cruelle, une coquille vide qui résonne du rire des armes.

Regardez bien, mes frères, regardez ce miracle haïtien : on vote des milliards pour la sécurité, et pour résultat, on obtient des enfants qui apprennent à distinguer les calibres des armes avant même de savoir lire. On a des ministres qui parlent de "normalisation" pendant que des familles fuient sous une pluie d'obus, leurs vies tenues dans un sac plastique.

Oh, la belle stabilité ! Celle qui permet aux gangs de s'organiser en entreprises florissantes, pendant que l'État s'enlise dans des réunions stériles. La belle capacité ! Celle qui transforme des quartiers entiers en champs de bataille, et des citoyens en réfugiés de l'absurde.

Écoutez le poème surréaliste de notre réalité : d'un côté, les autorités qui peignent en rose une apocalypse ; de l'autre, Fritz Alphonse Jean qui ose rappeler que l'empereur est nu, que le roi est fou, que le pays saigne et que personne ne semble voir le sang.

Quelle terrifiante comédie ! On nous vole notre sécurité, on pille nos espoirs, on assassine notre avenir - et pendant ce temps, le gouvernement distribue des médailles... à lui-même.

Le plus révoltant dans cette tragédie ? Ce n'est pas la violence des gangs, non. C'est cette violence d'État, cette violence silencieuse, cette incapacité organisée, cette inertie mortifère qui nous regarde mourir en haussant les épaules.

La nuit tombe sur Port-au-Prince. Quelque part à Pont Sondé, une balle perdue cherche un destin. Quelque part au Palais, un communiqué se prépare. Entre les deux, il y a tout un peuple qui attend. Qui attend quoi ? Un miracle ? Un sursaut ? Ou simplement que le théâtre de l'horreur ferme enfin ses portes ?

Le sang est leur encre, la terreur leur langage, et nos vies... nos vies ne sont que le brouillon sur lequel ils écrivent leur échec.

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Maxime Daniel ETIENNE

Journaliste

maximedanieletienne@gmail.com

+509 4133-8168


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