Penser au lieu de tirer : analyse comparative des politiques publiques fondées sur la culture de paix
La construction d’une culture de paix demeure envisageable et nécessaire, pour autant qu’elle s’appuie sur des institutions légitimes, des politiques publiques cohérentes et l’engagement actif de la société civile.
Publié le 02-Décembre-2025
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Depuis plusieurs décennies, Haïti connaît des mutations multifactorielles marquées, caractérisées notamment par des conflits armés impliquant divers acteurs de la sphère sociopolitique poursuivant des intérêts économiques. Malgré les réformes successives et l’assistance sécuritaire internationale, le changement attendu par la population demeure hors de portée, révélant les limites structurelles des politiques de sécurité mises en œuvre. L’échec répété de ces politiques contribue à une dégradation socio-économique persistante, alimentant un cycle d’instabilité qui empêche tout retour à la normale. En conséquence, Haïti demeure classé parmi les pays les moins avancés (PMA) de l’hémisphère Sud, illustrant la profondeur des défis institutionnels, économiques et sécuritaires auxquels il fait face.
Pour pallier ce problème, il est nécessaire d’évaluer et/ou d’identifier en quoi les politiques publiques fondées sur la culture de paix constituent une alternative durable aux politiques de force. En effet, la culture de paix favorise la cohésion sociale et la prévention durable des conflits. Ainsi, dans cette perspective, nous allons tenter d’analyser et de comparer la situation de deux (2) pays qui se trouvaient autrefois dans des conditions similaires à celles d’Haïti.
Cadre théorique et conceptuel
La culture de paix est un ensemble de valeurs, attitudes, comportements et modes de vie qui rejettent la violence et préviennent les conflits en s’attaquant à leurs racines par le dialogue et la négociation entre les individus, les groupes et les États (ONU, 1945). En effet, le dialogue nécessaire à la valorisation de cette culture doit être inclusif. Ainsi, nous devons mettre en évidence des politiques publiques adaptées au renforcement de l’éducation, le dialogue, la tolérance et l’égalité des genres pour faciliter l’acceptation de la culture de paix.
L’OCDE définit les politiques publiques comme une ligne de conduite cohérente visant à atteindre un but ou un objectif, à répondre à une question ou à un problème identifié par le gouvernement comme nécessitant une action ou une réforme. Elles sont créées pour atteindre certains objectifs, tels que la promotion de la croissance économique, la sécurité publique, la protection de l’environnement, la lutte contre les inégalités sociales, la fourniture de services publics et l’amélioration du bien-être général de la population. Qu'elles soient coercitive ou redistributive, les POLs PUBs sont en effet étroitement liées au bon fonctionnement d’une population donnée.
Brève étude comparative des politiques publiques: cas du Costa Rica, du Rwanda et d’Haïti.
L’abolition de l'armée costaricienne le 1er décembre 1948 au profit d’un arsenal diplomatique a considéré pour de nombreux chercheurs un fait historique et humanisme. Ce désarmement en faveur d’une culture de paix a favorisé un capital humain plus performant et le pays devient plus compétitif à l’échelle internationale en matière de diplomatie et d’autres politiques étrangères durables. Car, selon Collin (2013) le budget alloué aux militaires serait bien utile pour payer des professeurs, ouvrir de nouvelles universités et d'hôpitaux. De ce fait, le pays a connu une stabilité politique et une montée géopolitique significative.
Du côté de Rwanda, après le génocide en 1994, le pays a totalement dévasté. Une division territoriale et idéologique faisant rage au sein de la population mettant l'emphase sur les coupables et les victimes. En effet, une politique publique visant la réconciliation nationale et la justice communautaire (Gacaca) a été mise en place. Ainsi, ils instaurent un programme d’éducation pour la paix couvrant plus de 90 000 Rwandais de 1999 à 2009. Un programme d’éducation supérieure pour promouvoir les valeurs rwandaises afin de favoriser le développement communautaire en 2007. La formation des dirigeants communautaires et des partis politiques, des jeunes et des femmes dans l'assistance aux personnes traumatisées, dans les arbitrages de conflits et les systèmes d'alarme rapide. Enfin, des séminaires et des réunions nationales au sommet.
En Haïti, des initiatives émergentes ont souvent vu le jour, mais elles se heurtent régulièrement à des obstacles structurels persistants, notamment la corruption, la pauvreté et l’instabilité institutionnelle. De plus, l’adoption de résolutions favorisant l’intervention de forces étrangères sur le territoire national produit fréquemment des effets néfastes sur la population. Plusieurs auteurs, dont Sandre Whitworth (2007), soulignent particulièrement les violences sexuelles et la mortalité infantile associées à ces interventions.
Pour certains observateurs, ces « dommages collatéraux » seraient inévitables, au motif que les opérations militaires ne peuvent être menées comme des actions poétiques, mais relèvent d’une logique coercitive. Toutefois, il apparaît aujourd’hui paradoxal d’exiger des forces de l’ordre qu’elles déposent les armes dans un contexte où l’insécurité reste endémique. Néanmoins, la construction d’une culture de paix demeure envisageable et nécessaire, pour autant qu’elle s’appuie sur des institutions légitimes, des politiques publiques cohérentes et l’engagement actif de la société civile.
Dès lors, cette situation alarmante nous interpelle. Que devons nous faire pour trouver des pistes de solution afférente aux politiques publiques pour intégrer la culture de paix en Haïti? Il nous faut d’abord, une éducation à la paix et à la citoyenneté en renforçant la justice et l'État de droit pour lutter contre l’impunité, la corruption et les inégalités devant la loi. Un développement socio-économique équitable, mettant en œuvre des politiques de réduction des inégalités (accès à l’éducation, à la santé, à l’emploi). Ensuite, des valeurs de paix à travers les médias et la culture, en encourageant les médias à diffuser des contenus valorisant la solidarité, le vivre en commun et la non-violence. Enfin, appuyer les artistes, écrivains, cinéastes et influenceurs qui œuvrent à la construction d’une culture de paix en Haïti.
Bibliographie
Département d’information. 2014. Programme d’information sur le génocide de Rwanda et les Nations Unies.
Izadora X. 2022. Masculinité et maintien de la paix: les Casques bleus brésiliens en Haïti.
Jean-Marie C. 2013. Costa Rica: pas d’armée, mais un arsenal diplomatique.
Zalère RAMEAU
Économiste en formation Certifié de BRH/CÉPALC
zalererameau001@gmail.com
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