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Publié le 28-Nov-2024

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Femmes, droits humains et gouvernance en Haïti : Entre défis et opportunités.

En ratifiant plusieurs conventions internationales visant à protéger et promouvoir les droits des femmes, Haïti a pris des engagements importants. La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), adoptée par les Nations Unies en 1979 et ratifiée en Haïti le 03 avril 1996, est l'un de ces engagements. Ce traité, considéré comme un pas important dans la législation internationale sur les droits des femmes, oblige les États parties à mettre en œuvre des politiques et des lois pour lutter contre la discrimination envers les femmes, non seulement dans le domaine politique, mais aussi dans les domaines économique, social, culturel et familial.

En Haïti, l'intégration des femmes dans la gouvernance est un défi majeur non seulement pour renforcer l'État de droit, mais également pour renforcer les principes démocratiques et atteindre les objectifs de développement durable. Effectivement, il est reconnu que l'implication des femmes dans les processus décisionnels et les institutions de gouvernance joue un rôle essentiel dans la justice sociale et la stabilité institutionnelle. Cependant, malgré l'adoption de cadres juridiques nationaux et internationaux qui s'inscrivent clairement dans la promotion de l'égalité des genres, les progrès sont encore peu significatifs sur le terrain. La sous-représentation des femmes haïtiennes dans les postes de pouvoir persiste à tous les niveaux, que ce soit dans les administrations locales, le Parlement ou encore au sein des conseils municipaux. Cette réalité est exacerbée par une série d'obstacles structurels et socioculturels qui freinent leur pleine participation à la gouvernance du pays.

Depuis que Haïti a ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) en 1981, des actions ont été entreprises pour harmoniser la législation nationale avec les principes internationaux.1 Toutefois, la mise en œuvre concrète de ces mesures demeure souvent insuffisante en raison de la faiblesse des institutions et des crises politiques fréquentes. Si des lois comme celle de 2012, qui prévoit un quota de 30 % de femmes au sein des conseils législatifs et municipaux, ont été votées afin d'assurer une meilleure représentation, leur mise en œuvre réelle rencontre de nombreuses résistances, politiques et sociales.2

À l'échelle mondiale, la CEDAW représente une base normative solide qui met les femmes au cœur des préoccupations concernant les droits humains et la gouvernance inclusive. Cependant, en Haïti, il y a souvent un manque de mécanismes de suivi et de contrôle de l'application de ces engagements, et les politiques publiques manquent parfois de volonté ou de ressources pour encourager les changements requis. En outre, les multiples crises que traverse le pays – caractérisées par l'instabilité politique, les catastrophes naturelles et l'insécurité généralisée – accentuent les conditions dans lesquelles les femmes doivent évoluer, limitant ainsi leur capacité à s'engager dans la vie publique et à revendiquer pleinement leurs droits.

L'objectif de cet article est d'examiner en détail l'apport des femmes haïtiennes à la gouvernance nationale et locale, en mettant en évidence les possibilités offertes par les instruments juridiques, comme la CEDAW, et en mettant en évidence les nombreux défis auxquels elles font face dans un contexte d'instabilité persistante. L'objectif principal est de voir comment ces femmes, malgré les multiples difficultés, réussissent à s'imposer dans des espaces de pouvoir et à exercer une influence sur les politiques publiques, tout en identifiant les moyens indispensables pour améliorer leur participation. Effectivement, dans une société marquée par les disparités de genre, les femmes doivent non seulement faire face aux discriminations institutionnelles, mais également faire face à des pratiques culturelles qui tendent à limiter leur participation aux décisions politiques et économiques. Ainsi, cet article se propose d’analyser les moyens par lesquels la gouvernance inclusive, soutenue par un cadre juridique solide, peut contribuer à créer un environnement plus favorable à l’émancipation des femmes et à la transformation de la société haïtienne dans son ensemble.
1- Nations Unies, CEDAW, 1979.
* Ce traité international est un instrument clé pour la promotion des droits des femmes et engage les États à adopter des politiques d’élimination des discriminations.
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2- Loi haïtienne de 2012 sur les quotas de genre
* Cette loi vise à garantir au moins 30 % de représentation féminine dans les conseils municipaux et législatifs.

En ratifiant plusieurs conventions internationales visant à protéger et promouvoir les droits des femmes, Haïti a pris des engagements importants. La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), adoptée par les Nations Unies en 1979 et ratifiée en Haïti le 03 avril 1996, est l'un de ces engagements. Ce traité, considéré comme un pas important dans la législation internationale sur les droits des femmes, oblige les États parties à mettre en œuvre des politiques et des lois pour lutter contre la discrimination envers les femmes, non seulement dans le domaine politique, mais aussi dans les domaines économique, social, culturel et familial. En ratifiant la CEDAW, Haïti s’est engagé à respecter ces principes, et à mettre en œuvre des mesures destinées à promouvoir l’égalité entre les sexes, en assurant notamment aux femmes un accès égal aux opportunités dans la gouvernance et les processus de décision.

Cependant, même si la ratification de la CEDAW représente un progrès majeur, sa mise en place en Haïti rencontre plusieurs obstacles structurels. Le pays est confronté à des lacunes institutionnelles qui empêchent la mise en œuvre efficace de ses obligations internationales. Malgré la volonté des autorités de se conformer aux normes internationales, les déficits des systèmes juridiques et administratifs entravent souvent la mise en œuvre de politiques efficaces visant à favoriser l'égalité des genres.
Au niveau national, la Constitution de 1987 en Haïti3 offre un cadre essentiel pour la préservation des droits humains et l'égalité entre les sexes. Dans son préambule et dans plusieurs articles, elle met l'accent sur le principe de non-discrimination, en précisant notamment que « Tous les Haïtiens sont égaux devant la loi, peu importe leur race, leur couleur, leur sexe, leur religion ou leur opinion politique. » En outre, l'article 17 de la Constitution réaffirme de manière explicite l'interdiction de toute discrimination basée sur le genre et le droit des citoyens, hommes et femmes, à s'impliquer pleinement dans la vie politique du pays. Il est crucial de mettre en place ces mesures afin d'assurer un environnement juridique où les femmes peuvent s'épanouir et participer activement à la gouvernance du pays.
Toutefois, en dépit de ces bases constitutionnelles, il existe un écart considérable entre la théorie et la pratique. De nombreuses lois ont été mises en place afin de favoriser la participation des femmes dans les domaines politiques et décisionnels, mais leur application demeure inachevée. La loi de 2012 relative aux quotas de genre dans les conseils municipaux et législatifs est l'une de ces lois. Selon elle, il est prévu que les femmes représentent au moins 30 % de ces instances, ce qui vise à renforcer l'inclusion des femmes dans les processus de gouvernance. Néanmoins, cette loi a été restreinte en raison de résistances politiques, de blocages institutionnels et de la persistance de stéréotypes de genre. En effet, bien que certains progrès aient été réalisés dans certaines communes ou au sein de certains conseils municipaux, les femmes sont encore largement sous-représentées dans les postes de décision à l’échelle nationale.4
Le manque de mécanismes efficaces pour suivre et évaluer l'application de ces lois explique également la mise en œuvre incomplète de ces dispositions, ainsi que le manque de volonté politique de la part des dirigeants masculins de donner une place importante aux femmes dans les sphères de pouvoir. L'une des principales difficultés à surmonter est la culture patriarcale profondément ancrée en Haïti, et il est essentiel de renforcer les campagnes de sensibilisation, l'éducation aux droits des femmes et les programmes d'accompagnement pour les femmes candidates, afin de faire face à ces obstacles.
3-Constitution, 1987
*** La Constitution établit le principe d'égalité entre les citoyens et interdit la discrimination basée sur le genre.
4-PNUD – « Femmes et gouvernance en Haïti : un enjeu pour la reconstruction nationale »
* Le PNUD analyse les contributions des femmes à la gouvernance haïtienne dans un contexte post-crise, en insistant sur l’importance de leur inclusion dans la reconstruction de l’État.

Donc, même si Haïti s'est engagée sérieusement en faveur des droits des femmes, il reste encore beaucoup à faire pour que ces droits se traduisent en une participation réelle des femmes dans la gouvernance du pays. Il est maintenant nécessaire d'accompagner l'égalité formelle énoncée dans les textes de mesures concrètes et effectives, afin de rendre l'égalité entre les sexes une réalité concrète dans la vie politique, économique et sociale du pays.
La participation des femmes dans les institutions politiques en Haïti reste très faible, même si les cadres juridiques sont en place. Les femmes ne représentent qu'un petit pourcentage des sièges au Parlement haïtien et leur présence dans les instances locales, comme les mairies et les conseils communaux, est également insuffisante. Ce manque de représentation, qui perdure malgré les initiatives législatives visant à promouvoir l'égalité entre les sexes, entrave une prise en considération adéquate des problématiques liées aux femmes, aux enfants et plus largement aux groupes vulnérables. Cependant, il est essentiel que les femmes participent à la gouvernance afin d'assurer des politiques publiques inclusives qui prennent en considération les réalités sociales, économiques et sanitaires particulières auxquelles font face les femmes et les populations marginalisées.5
Le rôle des femmes est crucial pour renforcer une gouvernance plus représentative et efficace, car elles sont souvent au cœur des luttes pour les droits sociaux et l'amélioration des conditions de vie des communautés. Grâce à leur implication active, une vision différente et enrichissante est encouragée dans la conception des politiques, notamment dans des secteurs tels que l'éducation, la santé publique, la lutte contre les violences basées sur le genre et le développement économique des localités rurales. Les inégalités déjà présentes ne sont que renforcées par la marginalisation des femmes dans les instances décisionnelles, ce qui prive le pays de perspectives et de solutions potentielles pour le développement durable.6

Néanmoins, en dépit de ces difficultés au niveau des institutions officielles, des initiatives locales, souvent menées par des femmes dirigeantes ou des organisations de la société civile, ont joué un rôle dans l'avancement de dossiers majeurs. Depuis des décennies, des organisations telles que la "SOFA" (Solidarité Fanm Ayisyèn) ont milité pour une meilleure représentation des femmes dans les structures de gouvernance, tout en soutenant une réforme complète du système politique haïtien. Leur lutte a révélé des enjeux essentiels, en particulier dans les secteurs de l'éducation des jeunes filles, de la santé reproductive, de la justice économique et de la lutte contre les violences envers les femmes. Ces initiatives locales sont essentielles pour pallier les lacunes des politiques publiques et pour sensibiliser les populations aux enjeux de l'égalité des genres et de la gouvernance inclusive.

En Haïti, la situation politique et sécuritaire rend encore plus difficile la participation des femmes à la gouvernance. Le pays est en pleine crise, marquée par une instabilité permanente des institutions politiques, une insécurité généralisée et des violences politiques qui perturbent l'ensemble du système démocratique. Dans cette situation, les femmes, déjà exclues, rencontrent des difficultés supplémentaires lorsqu'elles cherchent à participer aux processus de prise de décision. Les troubles politiques perturbent régulièrement les élections et retardent l'application des lois favorisant la parité de genre. Ces dysfonctionnements institutionnels diminuent considérablement les chances pour les femmes de se présenter aux élections, ce qui accentue leur exclusion de la vie publique.
5- Banque Mondiale – Rapport sur les inégalités de genre en Haïti
*Ce document met en avant les disparités entre les genres dans les secteurs économiques et politiques en Haïti, en proposant des recommandations pour réduire ces inégalités.
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6- Jean-François, Marie-Ange. « La participation des femmes dans la gouvernance locale en Haïti » - Revue Caribéenne des Sciences Sociales, 2019.
* Cette étude explore les initiatives locales en Haïti portées par des femmes et des organisations féminines pour promouvoir leur inclusion dans les processus décisionnels.

Un autre obstacle majeur sont les violences basées sur le genre, qui s'accentuent en période de crise. En Haïti, lorsque les femmes cherchent à s'impliquer dans la vie publique, elles font face à des risques de violence physique, psychologique et sexuelle. De nombreuses femmes sont découragées de s'impliquer activement dans la vie politique en raison de craintes de représailles ou de pressions sociales. Cette marginalisation est également aggravée par les stéréotypes de genre profondément ancrés, qui sont liés à la perception que les femmes ne sont pas adaptées aux rôles politiques de premier plan. En outre, l'absence de soutien institutionnel aux candidates féminines accentue les disparités, ce qui empêche les femmes d'accéder à des postes de pouvoir.

La généralisation de l'insécurité, caractérisée par l'augmentation des activités des gangs armés et l'effondrement partiel de l'autorité de l'État dans certaines régions du pays, entrave également la participation active des femmes aux processus électoraux et politiques. Pour beaucoup de femmes, la crainte de l'insécurité et des représailles empêche de participer à des activités de gouvernance, ce qui contribue à leur exclusion constante des espaces de pouvoir.
En dépit des difficultés auxquelles elles font face, il existe des possibilités pour renforcer la participation des femmes dans la gouvernance en Haïti. En premier lieu, les mouvements féminins en Haïti bénéficient d'un soutien important de la communauté internationale, à travers des initiatives de financement, de formation et d'assistance technique. ONU Femmes et d'autres partenaires internationaux mettent en place des programmes spécifiques visant à renforcer les compétences des femmes candidates et à favoriser leur participation à tous les niveaux de gouvernance. Des formations en leadership politique, en gestion de campagne et des dispositifs de protection contre les violences basées sur le genre sont incluses dans ces programmes, dans le but de promouvoir et de soutenir l'implication des femmes dans la vie publique.7

En outre, il est indispensable d'effectuer des réformes institutionnelles afin d'améliorer la situation. Il serait possible de renforcer la participation des femmes en instaurant des quotas obligatoires, non seulement au sein des conseils municipaux et législatifs, mais aussi à tous les niveaux de gouvernance. Il serait également bénéfique d'améliorer l'application des lois déjà en vigueur, en ajoutant des sanctions aux parties qui ne respectent pas les dispositions légales concernant la parité, afin d'accroître le nombre de femmes dans les instances décisionnelles.
Finalement, l'engagement de la société civile, notamment des associations féminines, demeure une force essentielle pour promouvoir un changement durable. Ces organisations persistent à réclamer des politiques inclusives et à s'impliquer activement dans les dialogues nationaux afin d'améliorer la représentation des femmes. L'appui à ces mouvements permet de bâtir une gouvernance plus juste, où les femmes jouent un rôle essentiel dans la reconstruction et la consolidation de l'État de droit en Haïti.

Le fait que les femmes participent à la gouvernance en Haïti est à la fois un défi continu et une opportunité essentielle pour l'avenir du pays. Bien que des lois nationales et internationales, défendent l'égalité entre les sexes, les femmes font encore face à des défis importants, amplifiés par un contexte de crise politique et sécuritaire. Toutefois, en renforçant la volonté politique, en soutenant les initiatives locales et en instaurant des réformes institutionnelles profondes, Haïti peut avoir l'espoir de bâtir une gouvernance plus inclusive, plus représentative et plus équitable pour tous ses habitants.
7- ONU Femmes – Rapport sur l’égalité de genre et la participation politique des femmes en Haïti
* Ce rapport explore les défis et les opportunités pour la participation politique des femmes en Haïti, soulignant les impacts des crises sécuritaires et politiques.

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Carla PAULINICE

Juriste et Administratrice de profession | Mastérante en Sciences Politiques et Relations Internationales.

carlapaulinice3@gmail.com

+509 43 92 1001


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