Gonaïves sous le choc : fin sanglante pour Wilfort FERDINAND alias « Ti-Wil », ancien chef rebelle de l’armée cannibale
Sa disparition survient dans un département déjà en proie à la violence et à l’instabilité. L’Artibonite, où les gangs continuent de défier la police, observe ce drame comme un signal inquiétant : les chefs armés meurent rarement dans leur lit, et la PNH semble incapable de rompre le cycle de violence sans l’alimenter.

Publié le 17-Septembre-2025
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Gonaïves, 16 septembre 2025 – Le soleil de l’après-midi éclaire encore les pavés de Raboteau lorsque des passants découvrent un véhicule criblé de balles. À l’intérieur, trois corps gisent : celui de Wilford Ferdinand, alias « Ti-Wil », et de deux compagnons. L’ancien chef de « l’armée cannibale », figure emblématique de la rébellion de 2004 contre Aristide, a trouvé une mort brutale lors d’une opération de la Police nationale d’Haïti (PNH), déjà critiquée pour son manque de contrôle.
Selon les premières informations, Ti-Wil circulait avec deux amis lorsque la police a ouvert le feu. Les trois hommes ont été tués sur le coup. Le porte-parole de la PNH dans l’Artibonite, Fequière Casséus, a refusé de fournir des détails supplémentaires.
De son côté, Jerry Bien-Aimé, proche et acolyte de Ti-Wil, affirme que la mort de son ami et de deux autres personnes serait le résultat d’une erreur tragique. Selon lui, cette version aurait été confirmée par le directeur départemental de la PNH, Jacques Ader, qui, traqué comme un rat, aurait personnellement appelé Jerry, Polda et d’autres leaders de Raboteau pour regretter d’avoir fusillé Ti-Wil par erreur.
Si cette version se vérifie, cette bavure révèle l’amateurisme et le manque de contrôle hiérarchique au sein de la police et représente un risque politique et social majeur, menaçant la confiance des citoyens dans l’État et accentuant la spirale de violence dans l’Artibonite.
Une figure à la fois rebelle et redoutée
Wilford Ferdinand n’était pas un simple acteur de l’histoire récente. À la tête de « l’armée cannibale », il avait contribué à la chute du régime Lavalas et imposé sa loi dans les rues des Gonaïves. Mais son nom reste associé à une longue série de crimes : assassinats de policiers, exécutions sommaires et règlements de comptes sanglants.
« Il faisait justice à sa manière, sans pitié », raconte un ancien résident de Jubilé. Pour certains, sa mort est un soulagement : « il avait trop de sang sur les mains », tranche une commerçante. Pour d’autres, il incarnait une forme de justice populaire, protégeant ses partisans et sa communauté.
Une PNH fragilisée, un État impuissant
La bavure relance les critiques contre la police nationale. À Liancourt, le récent incendie du commissariat et la multiplication des attaques contre les forces de l’ordre révèlent un État incapable d’assurer la sécurité.
« Comment justifier l’exécution de trois personnes par erreur ? », s’indigne un militant des droits humains. Cette erreur n’est pas seulement un fait divers : elle ébranle l’autorité de l’État et pourrait déclencher de nouvelles tensions locales, soulignant l’urgence de réformes profondes au sein de la PNH.
Entre symbole et avertissement
La mort de Ti-Wil divise la population. Pour certains, il reste un combattant courageux ayant osé défier Aristide et protéger sa communauté. Pour d’autres, c’est un bourreau impuni, dont la disparition est un soulagement. Cette ambivalence reflète le paradoxe haïtien : des figures d’autorité locales construites sur la violence et la peur.
Sa disparition survient dans un département déjà en proie à la violence et à l’instabilité. L’Artibonite, où les gangs continuent de défier la police, observe ce drame comme un signal inquiétant : les chefs armés meurent rarement dans leur lit, et la PNH semble incapable de rompre le cycle de violence sans l’alimenter.
Une fin brutale, une question ouverte
« L’histoire retiendra qu’il est tombé comme il a vécu : dans le sang », résume un vieil habitant de Raboteau. Mais cette mort tragique ne répond pas à la question centrale : s’agit-il d’une élimination ciblée ou d’une bavure fatale, révélatrice de l’incapacité de l’État à encadrer ses forces de sécurité ?
Dans tous les cas, la fin sanglante de Ti-Wil n’apaisera pas les plaies de l’Artibonite. Elle en ouvre de nouvelles, rappelant que dans cette région, la violence et l’impunité continuent de gouverner la vie des habitants.

Maxime Daniel ETIENNE
Journaliste
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