Déjean Bélizaire, l’ingénieur des eaux et des âmes
Homme de science et homme d’État, il fut à la fois ingénieur des terres et ingénieur des consciences.

Publié le 20-Septembre-2025
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Une cloche a sonné dans la mémoire d’Haïti : Déjean Bélizaire n’est plus. Le 18 septembre 2025, à New York, à 90 ans, il a tiré sa révérence. Mais son nom, lui, reste inscrit comme une source qui ne tarit pas.
Né en 1935 à Petite-Rivière-de-l’Artibonite, il avait choisi pour premier combat l’eau, matrice de la vie et richesse indocile de notre pays. Ingénieur en hydrologie et en hydraulique, il rêvait de canaux fertiles, de barrages nourriciers, de champs où la sécheresse céderait la place à l’abondance. Il avait compris que maîtriser l’eau, c’était nourrir le peuple.
Mais son destin ne s’arrêta pas aux rivières et aux vallées. Fondateur du MNP-28, élu sénateur en 1990 puis président du Sénat en 1992, il entra dans la tempête politique. Là où régnaient tumulte et coups de force, il fit entendre une voix de mesure, une parole calme, mais ferme, qui croyait aux compromis sans jamais tolérer la compromission. « La République, disait-il, ne se sauvera pas par la force des armes, mais par la constance des institutions. »
Homme de science et homme d’État, il fut à la fois ingénieur des terres et ingénieur des consciences. Ses convictions n’étaient pas flamboyantes, mais enracinées ; ses discours n’étaient pas des éclairs, mais des semences. Il a traversé les tempêtes avec la discrète obstination de ceux qui croient qu’un pays peut être sauvé par le travail, la discipline et la souveraineté.
Ses proches rappellent ses blessures intimes, notamment l’ombre qui l’a saisi après l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021. Mais de ses silences est née une dignité qui, aujourd’hui encore, force le respect.
Ses funérailles se tiendront à New York, mais son héritage, lui, reviendra en Haïti. Il irrigue déjà les mémoires, comme une eau souterraine qui attend son heure pour jaillir de nouveau.
Avec lui disparaît un bâtisseur, mais demeure une leçon : un pays peut se reconstruire si l’on ose croire en ses propres forces.
Déjean Bélizaire est parti. Mais comme une rivière, il continue de couler dans la conscience d’Haïti.

Maxime Daniel ETIENNE
Journaliste
maximedanieletienne@gmail.com
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