Quand Saint-Cyr sème des urnes dans un champ de cadavres
Et au rideau final, il reste cette ironie cruelle :
le peuple haïtien meurt debout, pendant que ses dirigeants comptent les scrutateurs assis.

Publié le 23-Septembre-2025
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À New York, sous les dorures onusiennes, deux orateurs se sont succédé. Deux langues, deux mondes, deux planètes.
Le président kényan : le marteau et le feu
Sa voix résonne comme un tambour de guerre. Il raconte des victoires palpables : un aéroport libéré de ses vautours, un port arraché aux griffes mafieuses, des commissariats remis debout comme des phénix, des routes désenclavées où la poussière recommence à danser. Et tout cela avec une armée à moitié formée, avec 40 % des hommes, sans les joujoux sophistiqués des grandes puissances.
C’est du réalisme brut. On entend presque les bottes frapper l’asphalte, les armes claquer, les gangs reculer comme des rats surpris par la lumière.
Laurent Saint-Cyr : le greffier des illusions
Puis surgit Saint-Cyr. Et là, soudain, la scène change de décor. Le champ de bataille disparaît, place à un bureau climatisé où s’empilent des formulaires et des urnes vides.
Le peuple tremble, les quartiers flambent, les axes routiers sont des couloirs de la mort… mais lui parle de 70 % du personnel électoral mobilisé. Ah ! Quelle douce symphonie pour les technocrates !
Dans l’imaginaire de Saint-Cyr, les scrutateurs, gilets fluorescents au torse, iront recueillir des bulletins de vote entre deux rafales de Kalachnikov, pendant que les urnes danseront sous la pluie de balles.
C’est de la poésie administrative, une tragédie grecque écrite par un greffier en exil de la réalité.
Le contraste : burlesque et pathétique
Le président kényan dit : « Nous avons chassé les gangs. »
Saint-Cyr répond : « Nous avons compté nos scrutateurs. »
L’un parle de survie, l’autre parle de papier. L’un parle de vie sauve, l’autre parle de procédure.
C’est comme planter un champ de maïs en plein ouragan. C’est comme réciter le calendrier électoral au milieu d’une fusillade.
Le peuple, lui, n’applaudit plus
Dans les bidonvilles, on n’attend pas des urnes. On attend l’eau, la sécurité, le silence des armes.
Mais à New York, le grand théâtre continue : les Kényans jouent la pièce de la libération, Saint-Cyr joue celle de l’illusion.
Et au rideau final, il reste cette ironie cruelle :
le peuple haïtien meurt debout, pendant que ses dirigeants comptent les scrutateurs assis.

Maxime Daniel ETIENNE
Journaliste
maximedanieletienne@gmail.com
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