Lakou Soukri Danache : Lè souffle des ancêtres et la danse des esprits
Le Lakou , sanctuaire vivant, porte encore l'empreinte de son fondateur, Figaro Pont-Gaudin, gardien de la mémoire et bâtisseur sacré.

Publié le 26-Septembre-2025
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Le 14 août, la Cité de l’Indépendance s’embrase d’un souffle ancien. À Lakou Soukri Danache, les tambours battent comme des cœurs d’ancêtres réveillés, les chants montent tels des rivières de lumière, et les prières se mêlent à la brise chaude de l’Artibonite. Ici, chaque pierre respire mémoire, chaque arbre garde un secret, chaque vibration rend hommage aux héros qui ont façonné la liberté d’Haïti.
Le Lakou, sanctuaire vivant, porte encore l’empreinte de son fondateur, Figaro Pont-Gaudin, gardien de la mémoire et bâtisseur sacré. À ses côtés, l’ombre bienveillante de Nonkfiatou Nganga, Tonton des initiés, guide les pas vers les loas Kongo, ces esprits puissants qui relient le ciel et la terre. Sous la vigilance du Grand Frère Mambo Inan, vèv Kongo et manman des « 101 pitit », Fanm 3 kouvè pou yon seule reine lan, le Lakou vibre d’une force maternelle et guerrière. Elle est la Reine, la Mère et la Gardienne qui insuffle son énergie dans chaque tambour, chaque danse, chaque prière.
Selon Houngan Jerry Benjamin, secrétaire général du Lakou, cette fête est « la flamme éternelle de l’esprit résistant », un écho à la nuit de Bois Caïman, là où, dans le secret et la ferveur, naquit la Révolution haïtienne. Bien avant l’autel de Figaro, le lieu servait déjà de refuge aux guerriers de la tribu Congo. Aujourd’hui encore, la présence des loas africains enveloppe l’espace d’une aura protectrice et sacrée.
Les festivités de Mambo Inan débutent toujours par l’ouverture des portes de Kafou. Puis viennent les deux grands potay Kongo — Potay Kalfou et Potay Lawoka — qui rythment la célébration, chacun ouvrant un passage vers l’invisible, vers les esprits protecteurs. À travers la transe, la danse et les chants, les vivants rejoignent les ancêtres, renouant avec l’Afrique originelle et l’âme collective.
La fête trouve son apothéose avec la célébration du dernier des enfants de Mambo Inan, Brave Gede, moment où les générations s’unissent pour honorer les liens sacrés entre les vivants et les esprits.
Mais au-delà des rituels, c’est la solidarité qui fait la force du Lakou. Les héritiers, les pitit fèy venus de près ou de loin, apportent leurs offrandes, leurs chants, leur souffle. Ici, le vivre-ensemble n’est pas une promesse abstraite : il est une pratique, une essence qui traverse le temps et relie les générations.
La légende raconte que Figaro Pont-Gaudin sauva un jour la fille d’un colon condamnée à mourir. En signe de gratitude, celui-ci l’affranchit, et naquit alors le sanctuaire : un espace devenu agora des esprits, foyer de mémoire et temple de liberté.
À Lakou Soukri Danache, chaque tambour est une parole d’ancêtre, chaque chant un pont jeté entre les mondes, chaque danse un souffle d’éternité. Ici, la liberté d’Haïti ne s’écrit pas seulement dans les livres d’histoire : elle palpite dans les tambours Kongo, elle brûle dans les prières, elle vibre dans l’âme d’un peuple qui, malgré les épreuves, continue de danser avec ses dieux et ses ancêtres.

Maxime Daniel ETIENNE
Journaliste
maximedanieletienne@gmail.com
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